Ethique et système de management de la santé et de la sécurité.


Bon nombre d’entreprises s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité de se lancer dans un système de management de la santé et de la sécurité.

Lors de nos participations à différents colloques, lors de nos entretiens avec les entreprises et leurs partenaires nous avons pu, ça et là, entendre des attaques parfois sévères envers les différentes formes de systèmes de mangement de la santé et de a sécurité au travail et sur l’utilité de se lancer dans ce type de démarche.
Il nous a donc semblé intéressant de nous positionner vis à vis de cette problématique et de tenter d’y apporter quelques réponses.
Cette réflexion à l’ambition d’ouvrir le débat sur la nécessité ou l’utilité des systèmes de mangement de la santé et de la sécurité au travail. Nous pourrons la poursuivre en publiant vos réflexions et témoignages.

Pour des raisons pratiques, nous emploierons dans la suite, l’abréviation SMSST qui signifie système de management de la santé et de la sécurité au travail.

Quel objectif pour l’organisation ?


Améliorer le niveau de sécurité et la santé des salariés au travail. Il est parfois nécessaire de rappeler l’objectif de la mise en place du SMSST. La donnée de sortie attendue est bel et bien l’amélioration du niveau de sécurité et de la santé des salariés.

L’atteinte de cet objectif s’accompagnera, fort logiquement, d’une amélioration significative des moyens de maîtrise mis en œuvre en terme de sécurité et de santé, par exemple :
- clarification de l’organisation,
- intégration des facteurs SST dans les processus existants,
- respects des règlements,
- suivi et meure des actions engagées,
- modification de la relation au risque et de sa perception (connaissance, évaluation),
- …..

Comment ? Passer d’un mode de gestion à un mode de management santé sécurité.


Prenons comme indicateur le taux de fréquence des AT. Celui-ci n’est qu’un indicateur, partiel, de l’évaluation des performances SST de l’organisation. Celui –ci a le mérite d’être connu et compris par l’ensemble des lecteurs. Suite à la mise en ouvre d’un certain nombre d’actions (basées, pour l’essentiel sur le référentiel réglementaire) nombre d’entreprise après avoir obtenu une baisse des AT buttent sur un plancher bas difficilement franchissable. Autrement : dit le Tf ne baisse plus !

La mise en œuvre d’un SMSST va permettre de passer alors à une « vitesse prévention » supérieure.

Les deux piliers sont concrètement :

- la valorisation des aspects SST au plus haut niveau au plus haut niveau de l’organisation

- le déploiement des aspects SST dans toute l’organisation, et particulièrement dans la ligne hiérarchique opérationnelle.

Ainsi, de grosses organisations passent progressivement d’un système de gestion de la sécurité (reposant le plus souvent en intégralité sur un service HSE) à un système de management de la santé et de la sécurité (reposant sur toute l’organisation). Bien entendu, le service HSE reste mais dans le cas du système de management, il prend de la dimension, il est renforcé dans son rôle d’animation et gagne en efficacité.

La PME, qui n’a pas forcément les moyens d’une phase de gestion de la sécurité, est capable, de rentrer directement dans une démarche de SMSST. La flexibilité, qui caractérise la PME, doit l’aider dans cette mutation rapide. Dans ce cas, le projet SMSST se doit d’être central au sein de l’organisation. C’est le grand projet de l’année par exemple, le focus. En effet, il n’y aura que très peu de ressources supports pour aider à pallier aux écarts contrairement à la structure importante.

 


SMSST : des limites évidentes inhérentes à tout système.

En préventeurs convaincus nous ne pouvons pas occulté les limites des SMSST. Comme tout système, un SMSST à des limites, des travers, et peut même, parfois, donner lieu à certaines dérives. Passons en revues certaines d’entre elles.

L’amas de paperasse… qui couvre le chef !

Cette idée en contient deux. Le SMSST n’est qu’un ensemble de procédures, consigne, tableaux et au final, pourquoi pas un certificat. Le SMSST s’est pour couvrir le chef !

La mise en place d’un SMSST s’accompagne par une mise à plat et une (re)définition des responsabilités opérationnelles. Quelles missions sécurité sont à assurer ? Qui les assurent ?
Parallèlement, une sensibilisation sur les enjeux SST : humains, sociaux, économiques, réglementaires et … juridiques ! accompagne la démarche.

Ces deux actions réunies peuvent effectivement déboucher sur un travers documentaire. Un garant doit être nommé pour définir les règles du jeu. Le discours du plus haut niveau et qui sera cascader doit mettre sans ambiguité en avant l’enjeu humain. Chaque manager doit alors montrer qu’il assume les responsabilités inhérentes à sa mission.
Il est donc primordial de veiller dans la phase de mise en œuvre à ne pas tomber dans un système documentaire trop lourd qui trouverait sa seule justification sur une appréhension des aspects juridiques. Comparé aux autres systèmes de management Qualité et Environnement, l’aspect de la responsabilité juridique individuelle est beaucoup plus présent dans la mise en place du SMSST.
Le document est-il rendu obligatoire ? par le référentiel SMSST choisi ou par la réglementation ?
Le document est-il nécessaire ? Apporte-t-il une réelle plus value à la prévention ?
S’il n’est pas obligatoire, le document doit être avant tout nécessaire et apporter une plus value.
Il convient donc de détecter la tentation « parapluie », celle qui pousse l’acteur a créer un document qui pense-t-il le couvrira au cas où.

Ne pas faire porter au SMSST des lacunes pré-existantes dans l’organisation. Le SMSST n’a fait que les mettre en lumière. Par exemple des non-conformités réglementaires lors de l’identification des exigences légales.
Le SMSST fait souvent prendre conscience de la nature et, parfois, l’ampleur des « compromis » que l’organisation avait passé avec la réglementation. Le fait d’identifier clairement ses « compromis » (écart, non conformités réglementaires,…) fait réagir. Les acteurs mis devant ces compromis réagissent souvent radicalement. (La mise en place du document unique a eu des effets similaires à un degré moindre.) Une des données de sorties possible est une volonté d’application à la lettre de textes qui étaient plus ou moins bien appliqués par le passé.
Cette nouvelle donne modifie l’activité de tous les salariés y compris de acteurs prévention (Par exemple, demander au médecin la fiche d’entreprise. Jamais demandée jusque là car l’employeur ne connaissait pas cette obligation. Par exemple aussi la mise en œuvre de véritables protocoles sécurité – chargement / déchargement). Dans toutes les actions de mise à niveau réglementaire, certaines assez nombreuses concernent le documentaire obligatoire.
Le SMSST ne fait que faire prendre conscience du niveau actuel de l’exigence réglementaire et la complexité de son application. Il convient donc une fois de plus d’être responsable : prendre conscience des écarts, agir dans la sérénité, en se donnant le temps d’apporter des réponses pérennes et efficaces.

Le SMSST distant de l’activité réelle ?


Est-ce que dépenser de l’énergie à déployer les aspects SST dans l’organisation, est trop loin du terrain ? est inefficace ?

Quand un manager fait un bond lorsqu’il apprend que sa description de poste va évoluer avec une définition de ses missions sécurité, et que ce même manager s’offusque quand il apprend qu’au milieu des ces objectifs « nobles » (production, rentabilité, qualité,…) va venir se glisser un objectif « moins noble » de sécurité !!!! Comment ça être coacher sur l’aspect sécurité ! moi ! c’est pas mon affaire j’ai autre choses à faire.
Que ce manager, sensibilisé par une action de formation, relayée par un discours clair de sa direction, commence à se poser des VRAIES questions, prend conscience de la COMPLEXITE de la prévention et de sa propre contribution possible. Il ne subi plus il devient acteur de la prévention.
Nous estimons que ces actions (missions, objectifs, formation) sont en plein dans le travail réel. Et c’est typiquement les apports du déploiement du système de management SST. Certes, il ne s’agit pas ici de l’activité de l’opérateur, mais une prévention efficace ne saurait se réduire à un focus sur une catégorie de personnel fusse-t-elle la plus exposée ? Ces actions n'ont pour but que de revenir demain encore plus près du terrain mais par une autre voie, celle qui compte, celle du chef.

Le volet santé … et les SMSST.

Une véritable faiblesse aujourd’hui, non pas des SMSST, mais de leur mise en œuvre réelle, est la quasi absence du volet santé au travail. La parfaite illustration est l’occultation du volet santé dans les plans de prévention lors de travaux effectués par une entreprise extérieure. Trop souvent les analyses de risque sont focalisées uniquement sur l’aspect risques physiques : chute, machine dangereuse, intervention électrique…. Très rarement sont abordés les risques liés à l’utilisation de produits CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques). De la même façon la place du volet santé dans les documents uniques d’évaluation des risques nous semble aujourd’hui réduite.
Il est donc indispensable que la mise en œuvre des SMSST, intègre à l’avenir la dimension santé. Cela signifie que les acteurs santé doivent être complètement intégrés dans l’organisation du SMSST.

Le résultat à tout prix ???

La focalisation, à outrance, sur le résultat et ses dérives possibles : cacher à tout prix les accidents, sortir les blessés… mythe ou réalité difficiles d’avoir des témoignages sur le sujet. Nous n’avons de notre côté jamais été témoin de ce type de pratique. Si elles existent, elles ne font pas partie de nos principes d’action. Ceux-ci ne peuvent être ceux d’une logique de préventeur.

Attention de nombreux sujets polémiques que nous n’aborderont pas ici sous tendent cet aspect : le traitement des accidents abusifs, le principe de reclassement temporaire des salariés arrêtés,…

Mais encore une fois le SMSST n’a jamais imposé 0 accident. Nous renverrons ici chacun à ses responsabilité dans l’éthique de la démarche qu’il met en oeuvre. Il convient donc en garde-fou de ne jamais oublier que derrière les différent indicateurs de pilotage et mesure des performances SST il s’agit de la sécurité et de la santé des hommes et des femmes de l’entreprise.

 

 

Conclusion :

Un référentiel structurant de la prévention, non contesté à ce jour, est le référentiel réglementaire.
Les modes d’organisation de l’entreprise, basés sur les systèmes de management (Qualité, Environnement), aspirent à appréhender les aspects santé sécurité au travail de la même façon. Ainsi des référentiels SMSST apparaissent parallèlement au référentiel réglementaire (OHSAS 18001 par exemple). Cette évolution semble contestée et suscite débat y compris au sein des différents acteurs de la prévention.

Le fait que les SMSST soient issus plutôt de l’entreprise, du marché, qui plus est une tendance à l’anglo-saxonne explique en partie les contestations mais pas uniquement.
Nous avons tenter de replacer le débat afin d’éviter de faire porter au SMSST toutes les difficultés à mener une prévention efficace dans l’entreprise. Mettre en œuvre un SMSST fait faire des choix, prendre des décisions, avancer avec les travers inhérents à toute forme d’action.

Répondons honnêtement aux questions suivantes :
La prévention a-t-elle gagnée du terrain avant et après la mise en oeuvre d’un SMSST ? Cette évolution contribue-t-elle à l’amélioration de la sécurité et la santé des salariés ?
Au contraire l’entreprise a-t-elle régressée ? Le niveau de sécurité et de santé des salariés s’est-il détérioré par la mise en œuvre de tel système ? Est-on entrain de perdre du temps ? Les garde-fous sont-ils tombés ?

Clarifier l’organisation, redéfinir des missions, responsabiliser, informer, mettre en mouvement bouscule forcément les organisations. Nous pensons que cette phase de « prise en main par l’organisation » des aspects santé sécurité, phénomène nouveau, doit réussir à ce faire dans le consensus.

Nous sommes convaincus que les SMSST contribuent fortement à l’amélioration de la sécurité et la santé des salariés. Un SMSST performant, est au service de l’ensemble de l’organisation, et, en premier lieu, des femmes et des hommes qui la compose.

O.B.

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